Lors de son enfance, L a été victime de tentatives de décalottage forcé de la part de médecins scolaires. À l’adolescence, il s’est infligé un paraphimosis sous la pression des adultes qui lui disaient qu’il serait circoncis s’il n’arrivait pas à se décalotter. Cet événement a été traumatisant pour L qui est passé par des moments très difficiles, mais il a su remonter la pente et consacre aujourd’hui une partie de sa vie à aider les jeunes via son site internet, Phimosis ABC.
Choisie pour illustrer le site Phimosis ABC, cette photo symbolise le désespoir des jeunes en manque d’information sur les questions liées à la sexualité.
Témoignage
J’ai subi des tentatives de décalottages forcés par des médecins scolaires.
Enfant et ado, lors des consultations, je me concentrais pour avoir le pénis le plus minuscule possible pour échapper à la souffrance infligée par les médecins scolaires.
Les médecins ayant des difficultés pour me décalotter, l’acharnement sexuel et les pincements au pénis duraient. Ils m’imposaient une position extrêmement pénible : couché de dos sur une table, les jambes pendant dans le vide, ce qui faisait mal au niveau des muscles abdominaux et de la colonne vertébrale, et en plus empêchait de voir ce qu’ils me faisaient. Une multiplication de douleurs.
À chaque fois, je me suis senti sale et souillé, avec une énorme colère et tristesse intérieure.
Je n’ai jamais eu d’explication de quiconque sur la raison pour laquelle on s’acharnait ainsi sur mon pénis qui ne me causait aucun problème et dont j’étais très content.
Les médecins scolaires ont dit à mes parents que j’avais un phimosis, ce que j’ai vécu comme une dénonciation. Un jour, mon père m’a alors menacé de circoncision si je ne me débrouillais pas (comprendre : si je n’arrivais pas à me décalotter), et m’a également dit que l’on pouvait « vivre sans cette peau”.
Face à cette menace imminente de subir une mutilation, sous la pression et dans la panique, je me suis fait dans l’urgence, seul, la nuit, à l’âge de 16 ans, un paraphimosis carabiné catastrophique.
J’avais seulement 9 mm d’ouverture de prépuce. J’ai commencé à essayer de décalotter à 23h quand tout le monde dormait dans la maison. À 00h30, j’y suis arrivé dans de très fortes douleurs, de force. Mon phimosis s’est rapidement transformé en paraphimosis : mon gland s’est retrouvé étranglé par le prépuce qui ne pouvait plus reprendre sa position normale car son extrémité était trop serrée. C’était la première fois que je voyais cette curieuse forme qu’avait le gland !
Comme j’avais le gland qui devenait de plus en plus sombre et froid, et qui faisait très mal, mon rêve de connaître l’amour et d’avoir une femme devenait irréalisable avec un pénis nécrosé. Ce n’était plus la peine de prendre le bus pour me rendre à l’école ce matin là, futur clos. J’avais décidé que dès qu’il ferait plus clair, j’irais me pendre dans les bois près de la maison, puisque ma vie était devenue sans futur et sans plus aucun espoir.
40 minutes de lutte acharnée pour tenter de remettre le prépuce en place dans d’intenses douleurs et de pleurs, 40 minutes à imaginer quoi faire, à chercher les solutions pour replacer mon prépuce. Surtout ne pas appeler mes parents qui auraient paniqué et m’auraient emmené à l’hôpital pour que j’y subisse une mutilation sexuelle de force. Je préférais mourir entier que de subir une mutilation sexuelle.
Au bout de 40 minutes de manipulations pour tout remettre en place, le sexe n’en pouvait plus : il était devenu froid, très sombre, mais avait dégonflé partiellement. Je suis alors parvenu à repositionner mon prépuce et 15 minutes plus tard le sexe avait repris sa chaleur et sa couleur normale. Il était 1h25 du matin quand tout est revenu à la normale.
Malgré cette terrible épreuve, je me suis encore fait un paraphimosis le lendemain car la menace de circoncision était toujours active. Re paraphimosis, re panique, re catastrophe, re pleurs. Je me suis dit : “cette fois-ci c’est foutu, je n’aurais pas dû recommencer !” Le prépuce ayant été fortement distendu la veille, je suis parvenu au bout de 15 minutes de lutte acharnée à le repositionner. Après ces deux épisodes de paraphimosis, se décalotter est devenu de plus en plus facile.
[Note de Droit au Corps / Phimosis ABC : le fait que le décalottage soit devenu plus facile dans le cas présent ne saurait justifier pour autant une telle pratique de décalottage forcé, que ce soit sur sa personne ou sur autrui. Si un homme au prépuce non rétractable souhaite le rétracter, il est recommandé avant de tenter un décalottage complet de pratiquer des exercices de dilatation du prépuce pour progressivement l’assouplir et augmenter la taille de son ouverture.]
Étant désemparé par cette situation de l’acharnement du décalottage non justifié, non expliqué par les adultes, sur un sexe sensible dont j’étais satisfait et avec lequel je n’avais jamais eu de problème ni d’infection durant ces 16 ans, je me suis dit que je ne pourrai plus vivre avec cette incompréhension : pourquoi cette obligation de décalotter à tout prix ? Pour qui ? Ces médecins m’apparaissaient comme des tortionnaires, des vétérinaires (j’avais le sentiment d’être traité comme un animal) payés par l’état pour torturer, et pratiquer d’autorité et par surprise des attouchements sexuels douloureux sur des jeunes sans défense.
Pour ne pas avoir le restant de ma vie bloquée là-dessus, j’ai pris la décision d’occulter, de trouver des excuses au comportement de mes agresseurs, de faire du déni. Finalement, cela a évolué naturellement en amnésie traumatique (mécanisme de sécurité psychologique), ce qui m’a permis de revivre normalement pendant 35 ans avec une méfiance profonde inconsciente du monde médical et en essayant de ne jamais consulter sauf pour mes enfants, mais en interdisant pour eux toute visite chez un pédiatre, je faisais uniquement confiance à un médecin de famille (j’ai eu 2 filles et aucun garçons, OUF !).
Vers la fin d’année 2012, 36 ans après les événements, en faisant des recherches sur des visites médicales d’assurance vie, je suis tombé sur le même récit que le mien : tentative de décalottage forcé sans consentement lors de visite médicale scolaire d’élèves à Montpellier. J’ai eu instantanément une crise avec une impression d’explosion, comme soulevé de terre et projeté 200 mètres en arrière dans la boue. Je me suis instantanément mis à vomir sans arrêt pendant plusieurs minutes, je n’arrivais plus à respirer, à me reprendre. Puis dans les 3 jours qui ont suivi, j’étais très mal, je n’arrivais plus à manger ni à dormir, j’avais une énorme boule dans l’estomac. J’ai compris plus tard qu’il s’agissait d’un syndrome de stress post-traumatique.
Revoir en flash instantanément l’intérieur des salles d’examens médicaux, la lumière du soleil qui passe à travers les volets, la table de torture, l’odeur des sous vêtements, des chaussettes des autres copains de classe… la force de destruction de ce syndrome de stress post-traumatique a été plus violente que les événements vécus à l’époque, car elle a concentré plusieurs choses d’un coup : les tentatives de décalottage forcé lors des visites médicales, la dénonciation, la menace de mutilation sexuelle, le sentiment de persécution… tout cela s’est additionné.
Le fait de découvrir que la pratique du décalottage forcé était toujours d’actualité, que des médecins payés par l’état continuaient (et continuent aujourd’hui encore) de détruire des jeunes, cela m’a profondément impacté au point que la vie avait perdu son sens et ne valait plus rien. J’avais trop souffert, j’étais au bout de tout. Je me suis renseigné plusieurs semaines pour me suicider dans les conditions les plus douces, les plus humaines, les plus calmes et respectueuses, en réfléchissant également à l’impact sur la famille et aux conséquences. Mais sur internet, c’est un sujet tabou, partout des personnes essaient de convaincre de ne pas passer à l’acte, mais rien pour aider à disparaître définitivement.
J’ai démarré quelques recherches sur le phimosis et sur la médecine scolaire pour voir comment elle avait évolué. J’ai alors rencontré la détresse des garçons en matière de phimosis et d’ignorance sexuelle. J’ai répondu à quelques jeunes pour les aider, il y avait aussi sur certains forums de fausses informations et des moqueries. En voyant les réactions positives des jeunes après mon premier texte « Phimosis se débrouiller tout seul » (plus de 33 000 lectures à ce jour), j’ai pensé que je serai plus utile pour les jeunes en étant vivant que mort.
J’ai eu besoin pour mon sauvetage de l’aide de mes collègues, de mon épouse, de mes enfants, mais aussi d’un psychiatre, d’une psychologue conventionnelle et surtout d’une psychologue EMDR spécialisée dans les traumatismes dont ceux dus aux viols et aux violences sexuelles. À ce jour, j’en ai eu pour plus de 2000 € et 6 années de soins en psychothérapie.
Durant les deux premières années, ma respiration était anormale le matin. C’est la psychologue spécialisée dans les traumatismes qui m’a débloqué cette respiration anormale, une respiration très gênante de sanglot d’enfant lors d’inspirations profondes.
Sur le plan professionnel, cette période était catastrophique. Lors des réunions de travail, j’étais perturbé par des scènes du traumatismes qui apparaissaient en flashs, ce qui rendait la situation épuisante. Heureusement, mes collègues directs me donnaient de l’aide. Toutes les nuits, je me réveillais en colère à 4h du matin dans un état épuisant d’hypervigilance.
Parallèlement, j’ai constitué une banque d’information rapide pour aide opérationnelle immédiate aux jeunes, principalement pour phimosis, paraphimosis, frein, rupture du frein… À ce jour, j’ai aidé en direct plus de 5700 jeunes en répondant à leurs questions sur le décalottage et le phimosis principalement (par clavier), j’ai effectué 600 coaching anti phimosis (par clavier), 7 coaching pour aider suite à une plastie de prépuce ou de frein ratée (en vocal), 3 sauvetages de jeunes qui voulaient se suicider suite à des tentatives de décalottage par la médecine scolaire (par clavier), j’ai rassuré une personne suite à une accusation d’anormalité et une obligation à se faire circoncire (par clavier). Chaque année, environ 100 000 personnes lisent mon écrit concernant les fissures sur le prépuce, information diffusée sur plusieurs forums. J’ai été en contact avec des sociétés qui proposent des dispositifs de dilatation pour résorber un phimosis sans opération, en Italie, en Angleterre et au Japon. J’ai aussi aidé plusieurs mamans avec un texte intitulé “comment grandit sexuellement un petit garçon”.
Avec ce texte, on sauve des enfants !
Je me suis rendu compte de l’ignorance vertigineuse des médecins (chaque fois que j’en vois un, je lui pose quelques questions sur le phimosis, le prépuce, et je constate qu’il est très mal informé), mais aussi de la méconnaissance des jeunes en matière de sexualité : impact du porno américain dans lequel la majorité des acteurs sont circoncis, ce qui fausse la vision de normalité chez les jeunes, leurs inquiétudes, leurs masturbations inadaptées qui blessent parfois, l’absence d’information y compris au niveau des cours d’éducation sexuelle orientés conception, contraception, MST et IVG, et oubliant la santé sexuelle des garçons.
D’après un médecin avec qui je suis en relation, 1 garçon sur 80 reçoit des explications sur la santé sexuelle par ses parents (et quand c’est le cas, c’est généralement par le père) ; concernant les filles, presque toutes ont des renseignements de leur mère au moment de l’apparition de leurs premières règles.
Pour les garçons, il me fallait un outil performant, un site internet de prévention et d’éducation sexuelle masculine. Ce site a demandé des milliers d’heures de travail. Il est accessible ici : http://phimosis-abc.eu/. Tout le monde peut l’utiliser, le copier, le traduire…
[Note de Droit au Corps : AVERTISSEMENT – Ce site internet emploie souvent à tort le mot pathologisant « phimosis » pour décrire un état normal de non rétractabilité du prépuce, ce que dénonce précisément Droit au Corps puisque cette confusion sémantique est au coeur de la faille de santé publique : cela entraîne des diagnostics erronés, une surmédicalisation, et peut servir d’alibi à la circoncision. Le mot « adhérence » est également employé à tort, avec une connotation pathologique, alors qu’il faudrait parler de « fusion » qui est une condition normale dans le développement du pénis des enfants. Néanmoins, ce site donne de nombreux conseils pratiques qui peuvent être utiles pour des personnes souffrant de ne pas pouvoir décalotter leur pénis.]
Concernant les décalottages forcés parfois très douloureux dont sont victimes les garçons de la part de médecins, avec parfois des propos inadaptés qui laissent croire aux jeunes qu’ils sont anormaux et qu’ils ne pourront avoir une vie sexuelle normale, voici quelques cas dont j’ai eu connaissance :
– 2013 en Belgique : médecine scolaire avec position très pénible et décalottage acharné que le jeune de 16 ans a vécu comme une torture ;
– 2016 en France : déchirure de prépuce d’un bébé de 2 ans par une pédiatre ignorante ;
– 2017 en France : médecin scolaire avec de nouveau une position très pénible mal vécue par le jeune de 14 ans ;
– 2017 en France : tentative de décalottage forcé d’un jeune de 16 ans considéré comme anormal avec recommandation de circoncision.
Aujourd’hui, grâce aux conseils que je leur ai donnés, tous ces jeunes vont bien et savent décalotter, n’ont plus de phimosis et ont repris confiance en eux.
Mais tout cela est la partie émergée de l’iceberg.
Il faut interdire les décalottages effectués par une autre personne que le jeune lui-même. Il faut absolument faire passer des lois afin de correctionnaliser ce geste pour protéger les jeunes. Ces actes sont des violences sexuelles dénoncées par des personnes telles que le docteur Martin Winckler.
Pour ceux qui me lisent et qui ont été circoncis sans leur consentement avec tous les dégâts physiques, sexuels et psychologiques, sachez qu’il y a une alternative : la restauration du prépuce.
En plus de mon site Phimosis-ABC, vous pouvez obtenir de l’aide sur Droit au Corps, Nouvelle Peau ou encore Stop Circoncision.
L
Note de Droit au Corps : liens insérés dans le texte par nous.