Décalottage d’un enfant de 10 ans : un pédiatre sanctionné par l’Ordre des médecins

France – En janvier 2022, des parents consultent un pédiatre rhumatologue pour leur enfant de 10 ans, qui souffre d’une douleur au poignet. Lors de l’examen, le médecin annonce qu’il va vérifier les testicules de l’enfant. La mère lui indique que cela n’est pas nécessaire, car l’enfant est suivi depuis sa naissance et tout va bien de ce côté. Mais le médecin ne l’écoute pas : il baisse le caleçon de l’enfant, palpe ses testicules et, contre toute attente, le décalotte (rappelons que décalotter l’enfant est une mauvaise pratique). Interloquée, la mère lui demande le lien entre ce geste et le motif de la consultation. Le médecin rit et répond qu’il « vérifie tout », alors que, en dehors de l’examen du poignet, il s’est limité à écouter le cœur, palper les testicules et décalotter le pénis. L’enfant, dont le prépuce était heureusement déjà rétractable, ne ressent pas de douleur sur le moment, mais se plaindra une semaine plus tard d’une douleur au gland et d’une légère décoloration. Choquée par le geste et l’attitude du médecin, la mère dépose plainte à l’Ordre des médecins ainsi qu’à la gendarmerie. Lors de la conciliation à l’Ordre, les médecins présents tentent de faire changer la mère d’avis, mais elle maintient sa plainte. Deux ans plus tard, en 2024, le médecin reçoit un avertissement de l’Ordre des médecins. Quant à la plainte à la gendarmerie, elle est classée sans suite. Plus d’informations via les courriels de la mère ci-dessous.

Image d’illustration

JANVIER 2022 – La mère contacte Droit au Corps : 

Objet : Geste douteux

Bonjour,

J’ai besoin d’avoir votre avis sur ce qu’il s’est passé chez un médecin.

Mon fils de 10 ans va chez un pédiatre rhumatologue car cela fait plus d’un mois qu’il a mal au poignet.

Ce médecin après nous avoir posé plusieurs questions sur les circonstances de ses douleurs lui demande de se mettre nu. Mon fils nous regarde interloqué et son père lui dit de se mettre en caleçon. Je répète que l’on vient pour une douleur au poignet. Après avoir regardé toutes ces articulations il nous dit qu’il va regarder s’il a ses 2 testicules. Avant même qu’il ne baisse le caleçon de mon fils, je lui confirme que tout va bien de ce côté là et qu’il était très bien suivi depuis sa naissance. Mais il ne m’écoute pas et baisse son caleçon, regarde ses testicules et le décalotte. Je lui demande le rapport avec son poignet et il me répond qu’il était aussi pédiatre et qu’il vérifiait tout. Sauf qu’à part ses parties et ses articulations il n’a rien regardé d’autre. Et j’ai été choqué par ce soi-disant examen.

Qu’en pensez-vous. Est-ce normal ?

Suite à la réponse de Droit au Corps, la mère apporte ces précisions : 

Bonjour, 

Tout d’abord merci beaucoup pour tous vos conseils. 

Concernant le décalottage qu’a effectué ce médecin, mon fils m’a dit qu’il ne lui avait pas fait mal mais une semaine après il s’est plaint d’une douleur au niveau du gland et d’une légère décoloration… Vers du blanc. Je ne sais pas si c’est lié ou pas. 

Quand le médecin a dit qu’il allait vérifier ses testicules il n’a en aucun cas mentionné le décalottage et surtout je lui avais déjà précisé que tout allait bien à ce niveau-là et qu’il était suivi par un médecin depuis sa naissance. Mon fils était déjà décalotté depuis de nombreuses années. Mais ce qui m’a aussi choqué c’est qu’il m’a rit au nez quand je lui ai demandé pourquoi il avait effectué ce geste et quel était le rapport avec son poignet. Puisqu’à la base on venait pour une douleur au poignet qui dure depuis 1 mois. Il m’a répondu qu’il était aussi pédiatre et qu’il vérifiait tout. Mais il n’a rien vérifié d’autre sur mon fils que ses articulations et ça. 

Je ne sais pas si mon fils l’a mal vécu, il est actuellement chez son père et j’évite de trop lui en parler pour ne pas créer un mal-être s’il n’en a pas. 

J’ai déjà écrit à l’ARS qui a transmis mon mail au médecin inspecteur de la santé publique qui a le même ressenti que moi. L’inspecteur m’a dit d’écrire à l’ordre des médecins, ce que j’ai fait, qui m’a demandé les coordonnées du médecin en question et les miennes également. 

[…]

Il faut vraiment que ce genre de médecin arrête de pratiquer ces actes inutiles. Je suis choquée et n’en dors presque plus.

Non seulement le geste était inutile, mais il a ignoré mon refus de le pratiquer. Est-ce que la plainte est le seul moyen de le stopper ou est-ce que l’intervention de l’ordre des médecins suffira ? 

FÉVRIER 2022 – Suite aux conseils de notre association et d’autres partis, la mère a déposé plainte auprès de l’Ordre des médecins, mais aussi à la gendarmerie. Elle nous informe :

J’ai reçu une réponse de l’ordre des médecins avec un courrier du médecin en question où il s’offusque de mes accusations et nie avoir demandé à mon fils de se mettre nu et il précise également qu’il a vérifié tous les organes ce qui est totalement faux. 

J’ai fais lire ce courrier à mon fils qui a été choqué de ses mensonges et il est d’accord pour m’accompagner à la gendarmerie afin de déposer une plainte. 

Si ce médecin nie tout en bloc c’est qu’il est conscient de ses actes. En ce qui me concerne, je suis écœurée que mon fils ait eu affaire à un tel personnage, je suis choquée. 

J’ai demandé à l’ordre des médecins ce qu’ils comptaient faire, j’attends leur réponse et vous tiendrai également informé de leur réponse. 

J’espère que cette histoire se réglera rapidement.

[…]

Je vous remercie pour votre soutien. 

Les patrons de la clinique ont également été informés de ce qu’il s’est passé par l’intermédiaire de connaissances que l’on a en commun. Ils ont été très surpris de ce qu’il s’est passé durant la consultation.

Visiblement la suite de la procédure va être pénible car mon fils va certainement être vu par un médecin légiste et entendu par la gendarmerie avec un témoignage filmé avant de passer devant le tribunal. 

Je prépare au mieux mon fils en n’employant pas de mots choquants comme voyeurisme, attouchement ou encore perversion. En tout cas je suis très fière de lui car lui non plus ne veut pas arrêter la procédure.

Je ne pourrais pas dormir tranquillement si je fermais les yeux et que je le laissais continuer tranquillement.

AVRIL 2022 – La mère nous explique comment s’est passée la conciliation organisée par le Conseil départemental de l’Ordre des médecins : 

Hier je suis allée à la conciliation avec le médecin en question. 

J’ai tout d’abord envoyé un courrier pour dire que je ne pourrais pas être présente vu l’heure tardive car j’avais mes enfants. Puis j’ai été contactée par le président de l’ordre des médecins qui a voulu « élargir mon champ de réflexion » en essayant de me faire comprendre que certains gestes sont nécessaires, qu’il y avait peut-être un lien, que ce médecin, qui est bien réputé est de l’ancienne école et qu’il a gardé certaines pratiques… Bref il a essayé de me faire voir les choses autrement tout comme les trois personnes représentant l’ordre des médecins lors de la conciliation. Ces 3 femmes ont refusé d’entendre que j’avais dit non au médecin lorsqu’il a parlé de toucher les testicules de mon fils. Elles sont restées sur l’idée que ce geste est très important lorsqu’on examine un enfant.

J’ai rappelé les faits à plusieurs reprises en leur disant qu’il s’agit d’un ado à qui le Dr […] a demandé de se mettre nu pour un examen de poignet et que pour ça il a été décalotté. Qu’il n’y avait aucun lien avec le poignet et que même le Dr […] n’en a pas vu. 

Quant au Dr […] il dit s’être mal exprimé, qu’en fait il disait souvent cette phrase mais qu’il arrêtait l’enfant avant qu’il ne se mette nu. Dès cette étape il se contredit car il disait dans son courrier qu’il avait adressé à l’ordre des médecins qu’il n’avait jamais demandé à un ado de se mettre nu. 

Ensuite dans ce même courrier il dit avoir pratiqué un examen complet de tous les organes. Là aussi lors de la conciliation il s’est contredit car il dit qu’il n’a pas pu examiner mon fils entièrement car je lui avais mis la pression en étant derrière son dos. J’ai alors rappelé que je n’avais pas bougé de ma chaise et qu’il suffisait de faire venir mon fils qui était dans la salle d’attente pour en témoigner. TOUT LE MONDE a refusé y compris le Dr […]. Je lui ai dit à ce moment qu’effectivement ça l’afficherait mal pour lui d’avoir un second témoignage attestant de ses mensonges. Et je lui ai rajouté qu’il était honteux de sa part de se poser en victime.

Il dit également que je n’ai fait part de mon refus qu’une fois l’examen pratiqué ce qui est également faux. Là aussi il se contredit puisque d’après lui j’étais constamment dans son dos… 

En ce qui me concerne et vu le comportement malsain de ce médecin lors de la consultation mais également lors de la conciliation, j’ai maintenu ma plainte qui, si j’ai bien compris, part au niveau régional. On m’a dit que ça allait être très long… 2 ans, car il y a beaucoup de dossiers à traiter. 

Ils ont également conseillé le Dr de prendre un avocat, il a été surpris. 

Il a voulu mettre en avant le fait qu’il s’occupait d’enfants en difficultés, de ses états de services… Je lui ai coupé la parole en lui disant que cela ne signifiait rien pour moi et que ce n’est pas ça qui allait le disculper. C’est d’ailleurs aussi ce que j’avais dit au président qui me parlait également de sa réputation… je lui ai répondu qu’ il y a des gens haut placé dans la société qui ont dans leurs bagages de sales affaires. 

L’entretien à duré 30 minutes durant lesquelles on a essayé de me faire changer d’avis tout en oubliant le refus de consentement. 

Le Dr […] m’a dit qu’on n’allait pas s’attarder sur les détails et je lui ai répondu que les détails étaient très importants et que je ne lâcherai rien. 

JUIN 2022 – La mère nous informe des suites : 

Je suis désolée d’avoir mis autant de temps pour vous écrire mais j’avais besoin de prendre un peu de recul sinon je vais craquer.

J’ai reçu une copie que l’ordre des médecins a envoyée à la chambre disciplinaire et j’étais écoeurée. Ils leur disent qu’ils transmettent le dossier tout en précisant qu’ils ne me soutenaient absolument pas. De plus des courriers d’autres médecins ont été rajoutés soutenant le Dr […]. Ils sous-entendent également que j’ai menti en disant que je vous avais contacté ainsi que l’ARS. Évidemment je peux facilement en apporter la preuve. Ce qui montre vraiment leur volonté de me discréditer.

Ne sont-ils pas censés rester neutres ?

JUILLET 2024 – La mère nous informe que le médecin a été sanctionné par l’Ordre des médecins : 

C’est […], nous étions en contact il y a quelques années mais je voulais vous tenir informé de la décision qu’a prise l’ordre des médecins suite à ma plainte. 

Pour rappel j’avais emmené mon fils voir un pédiatre rhumatologue pour une douleur au poignet et il avait demandé à mon fils de se mettre nu et l’avait décalotté avec palpation des testicules alors que je m’étais opposé à cet examen.

Le médecin a été sanctionné. Il n’a eu malheureusement qu’un avertissement (niveau 1) mais si dans les 5 ans il y a encore une plainte il passera à un niveau de sanction trois ou quatre avec interdiction de pratiquer la médecine.

Ma plainte date de plus de 2 ans, c’était long mais pas en vain. Le nom de cet homme est marqué à l’encre rouge à l’ordre des médecins de Montpellier, Occitanie, procureur de la république et ministère de la Santé.

Je vais également envoyer une copie de la décision à la direction de la clinique dans laquelle il travaille.

Je tenais à vous remercier une fois de plus pour votre travail et surtout pour votre soutien.

Comment agir ?

Vous avez vécu une situation similaire et souhaitez témoigner ? N’hésitez pas à contacter Droit au Corps. 

Pour mieux comprendre le sujet, lire notre dossier Santé du pénis.

Important : nous invitons tous les lecteurs à transmettre ce travail d’experts à leurs médecins (généraliste, pédiatre, urologue…) pour qu’ils se mettent à jour des connaissances scientifiques.