Modifications génitales : une étude appelle à protéger tous les enfants de manière égale

Une étude dirigée par des chercheurs de l’Université d’Oxford soutient que tous les enfants devraient être protégés de manière égale contre les modifications génitales, non consenties et non nécessaires médicalement, pratiquées par des professionnels de santé.

Publiée dans l’American Journal of Bioethics, l’étude est disponible en ligne depuis le 17 juillet 2024. Elle a été rédigée par une équipe internationale d’experts provenant de plus de vingt pays et de six continents, dont Brian Earp, éthicien de renommée internationale.

L’étude s’intéresse uniquement aux modifications génitales effectuées sur les enfants (qu’elle définit comme des mineurs prépubères) et ne porte donc pas sur les interventions effectuées à l’adolescence ou à l’âge adulte.

« À moins d’une urgence médicale nécessitant une intervention immédiate, aucun enfant — quel que soit son sexe ou son genre — ne devrait être contraint de subir une chirurgie génitale non consentie par un professionnel de santé, même si ce dernier agit avec de bonnes intentions. Les parents demandant de telles interventions pour leurs enfants devraient être encouragés à explorer des alternatives non chirurgicales », explique Brian Earp dans le communiqué de presse daté du 29 août 2024.

Points clés de l’étude

Les principales conclusions de l’étude sont les suivantes :

  • les chirurgies génitales sans nécessité médicale imposées aux enfants violent leur droit à l’intégrité corporelle et à une autonomie sexuelle future, quel que soit le niveau de préjudice ou de bénéfice estimé par autrui (médecins, parents, etc.) ;
  • les politiques actuelles sont incohérentes, car elles protègent certains enfants (par exemple, ceux avec des organes génitaux typiquement féminins) tout en autorisant des interventions génitales non consenties et non nécessaires médicalement sur d’autres enfants (par exemple, ceux présentant des traits intersexués, qu’ils aient été assignés filles ou garçons à la naissance) ;
  • le concept de « nécessité médicale » doit être strictement défini pour éviter les abus, c’est pourquoi les auteurs proposent une définition axée sur les menaces graves et urgentes pour la santé physique afin de justifier les chirurgies non consenties, tout en soutenant que des besoins et préférences personnels peuvent justifier des chirurgies volontaires, demandées par des personnes capables de consentir pour elles-mêmes.

L’étude critique plusieurs pratiques non nécessaires sur le plan médical, parfois effectuées par des professionnels de santé sur des enfants à la demande des parents, notamment :

  • les chirurgies de « normalisation » pratiquées sur les nourrissons présentant des traits intersexués ;
  • la « piqûre rituelle » ou autres coupures « symboliques » des vulves des jeunes filles à des fins socio culturelles, définies comme « Mutilations génitales féminines médicalisées » par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)* ;
  • la circoncision du pénis des nouveau-nés, dite « de routine », devenue une coutume de naissance médicalisée aux États-Unis.

L’étude ne prend pas en compte les interventions réalisées en dehors d’un cadre médical ou effectuées par des personnes autres que des professionnels de santé exerçant dans le cadre de leur profession, car de telles pratiques peuvent soulever des questions juridiques et éthiques distinctes (par exemple, la circoncision religieuse). Toutefois, de nombreux arguments éthiques présentés dans l’étude peuvent également s’appliquer à ces procédures.

* Nous invitons à regarder cette présentation de Brian Earp qui explique que la position de l’OMS sur les mutilations génitales est « scientifiquement défaillante » et « éthiquement incohérente ».

Appel au changement

Les chercheurs appellent à des changements politiques majeurs, exhortant les associations médicales et les hôpitaux à « s’engager publiquement à cesser de pratiquer — ou d’autoriser — toute incision ou chirurgie génitale non consentie et non nécessaire médicalement sur les enfants dont ils ont la charge, quelles que soient les caractéristiques sexuelles de l’enfant. »

Dans l’annexe concernant les auteurs de l’étude, on apprend que plusieurs d’entre eux ont pratiqué de telles interventions sur des enfants à la demande des parents, sans percevoir les implications éthiques, et que certains ont autorisé une intervention pour leur propre enfant ; des décisions qu’ils regrettent aujourd’hui. De plus, certains auteurs ont été soumis à de telles procédures dans leur enfance. « Bien que nous ne puissions pas changer le passé, nous sommes déterminés à créer un avenir meilleur », écrivent-ils.

Cette étude fournit un cadre éthique complet pour aborder une question complexe et sensible, incitant les professionnels de la médecine et les décideurs politiques à reconsidérer les pratiques actuelles et à garantir une protection égale pour tous les individus.

« Chacun devrait avoir le même droit de décider de ce qu’il advient de son anatomie sexuelle, quelle que soit la couleur de sa peau ou la taille et la forme de ses organes génitaux », résume Brian Earp.

À noter que l’Appel au débat initié par Droit au Corps en 2019 est référencé dans l’étude, parmi d’autres exemples, pour illustrer l’action de personnes négativement impactées par la circoncision.

Enfin, signalons les experts français qui ont contribué à l’étude : 

  • Marie-Xavière Catto, Maître de conférences en droit public à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
  • Odile Fillod, chercheuse indépendante en sociologie des sciences biomédicales, conceptrice d’un modèle de clitoris imprimable en 3D (voir Clit’info)
  • Pierre Foldès, chirurgien urologue, inventeur d’une technique de réparation chirurgicale des mutilations féminines dues à la clitoridectomie
  • Ghada Hatem-Gantzer, gynécologue-obstétricienne, fondatrice de la Maison des femmes
  • Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives, directeur de recherche au CNRS et professeur attaché à l’ENS

Sources : 

Communiqué de presse : PRESS RELEASE: Oxford-led Study Calls for End to “Medically Unnecessary” Intersex Surgeries, par Brian D. Earp, 29 août 2024.

Étude : The Brussels Collaboration on Bodily Integrity. (2024). Genital Modifications in Prepubescent Minors: When May Clinicians Ethically Proceed? The American Journal of Bioethics, 1–50. https://doi.org/10.1080/15265161.2024.2353823