Comme beaucoup d’américains, Anthony Losquadro a été circoncis sans nécessité médicale lorsqu’il était bébé. Il milite aujourd’hui activement contre cette pratique au sein de l’association Intaction, dont il est le fondateur.
Dans cet entretien réalisé par James Loewen lors du Symposium Genital Autonomy de 2012, Anthony relate sa prise de contact avec le médecin responsable de sa circoncision et explique pourquoi cette démarche était importante pour lui.
Voici la vidéo sous-titrée en français, suivie de la transcription :
À lire également : Un homme écrit au rabbin qui l’a circoncis 21 ans plus tôt
TRANSCRIPTION
« J’avais le besoin de parler à la personne responsable de m’avoir circoncis quand j’étais bébé.
J’ai commencé par contacter le premier médecin dont je pouvais me souvenir, le docteur X qui était mon pédiatre et dont je me souviens assez bien. Je suis allé à son bureau, qui existe toujours bien qu’il soit à la retraite, et j’ai laissé un message disant que s’il voulait bien me contacter, il y avait quelque chose dont j’aimerais bien discuter avec lui.
Quelques mois passèrent sans que je ne reçoive de coup de fil. Alors en enquêtant, j’ai pu remonter jusqu’à son adresse personnelle et son numéro de téléphone, et je l’ai appelé.
Quand je l’ai appelé, il s’est souvenu de moi assez clairement, il se souvenait de ma famille. Je lui ai demandé si c’était lui qui m’avait circoncis. Il m’a dit que non, ce n’était pas lui, que généralement les pédiatres ne font pas les circoncisions, que c’est le boulot de l’obstétricien. À la façon dont il en parlait, c’était leur travail, leur quotidien, si vous voulez. Il m’a aussi dit que la profession médicale a tendance à changer au fil du temps, et que quand les pratiques sont dépassées, elles sont souvent révisées. Les médecins ont fait des choses par le passé en pensant que c’était une bonne idée et, après l’apparition d’études, ils se sont rendu compte que ce n’était pas une si bonne idée que ça. Alors il a dit que si la circoncision était promue par le passé, de nos jours beaucoup de médecins se rendent compte que ce n’est pas une si bonne idée que ça. On a clos la conversation avec des mondanités, échangé des amabilités, et je me suis rendu compte qu’il fallait que je continue mon travail et recherche qui était la personne qui m’avait fait ça.
Alors cette fois, avec plus de connaissances, j’ai regardé mon certificat de naissance et trouvé qui était l’obstétricien, car en général la personne qui vous met au monde est mentionnée sur le certificat de naissance. Sachant cela, j’ai commencé une nouvelle recherche et j’ai trouvé l’adresse de l’obstétricien ainsi que son numéro de téléphone. Et je me suis lancé à l’appeler.
J’appréhendais un peu, parce que je n’étais pas très sûr de la meilleure façon de lancer la conversation. Aussi, je ne voulais pas laisser les émotions prendre le dessus, mais plutôt avoir une conversation réfléchie et sensée.
Donc je l’ai appelé. Il s’est présenté à moi, disant qu’il était obstétricien et donnant son nom. C’était le docteur… Je ne dirai pas son nom maintenant. Il se souvenait de ma famille, il se souvenait assez bien de mes parents, il se souvenait de moi et de mon frère.
Je lui ai demandé… Je lui ai demandé ce que ça lui avait fait de m’attacher et de couper une partie de mon corps. Je lui ai demandé comment il s’était senti.
Et il n’a rien répondu.
Je lui ai demandé si j’avais crié lorsqu’il l’avait fait. Avais-je crié ?
Et il n’a rien répondu.
Je lui ai demandé s’il avait eu mon consentement pour le faire.
Et il n’a rien répondu.
Et je voulais qu’il sache à quel point ses actes m’avaient affecté. Qu’il avait violé mes droits. Et je voulais qu’il sache que s’il pensait avoir fait quelque chose de bien, il n’avait pas fait quelque chose de bien, il avait fait beaucoup de mal.
Et à nouveau, il n’a rien répondu, à part : “Continuez, je vous écoute.”
Je voulais provoquer une réaction chez lui. Alors je lui ai demandé : “Quand vous avez tourné la vis de la pince Gomco et que j’ai crié de douleur, est-ce que ça vous a donné l’impression d’être un vrai homme de me faire ça, alors que je pesais 3,5 kg, que j’étais bébé ?”
Et il n’a rien répondu.
Photo d’une pince Gomco fixée au prépuce d’un nouveau-né lors d’une circoncision (photos – vidéo).
Notre conversation s’est plus ou moins terminée comme ça. Il n’avait rien à dire. Il fut incapable de trouver une raison pour laquelle ça avait été fait. Il ne semblait pas être très empathique par rapport à la situation. Une fois de plus, on a terminé avec des amabilités et je l’ai remercié d’avoir pris le temps de m’écouter et de ne pas avoir raccroché.
C’était important pour moi d’en finir avec ce sujet, d’avoir l’occasion de parler à l’homme qui m’avait fait ça, et au moins de l’associer, lui et sa voix… associer une personne à la cicatrice qui était sur mon corps et dont il était responsable.
Je conseille à tout homme qui se sent affecté par une circoncision réalisée sur lui sans son consentement d’avoir le courage d’essayer de trouver qui était le médecin et de lui faire savoir à quel point ce qu’il a fait l’a affecté. Parce que beaucoup de médecins ont l’impression que puisqu’il n’y a pas de plaintes, alors il n’y a pas de mal. Et pour beaucoup d’hommes, au moment où ils veulent affronter cette question, tant de temps s’est écoulé que, peut-être, le médecin n’est plus de ce monde.
Alors mon conseil à tous est le suivant : une fois qu’ils ont atteint ce stade où ils sont prêts à en parler avec la personne qui l’a fait, qu’ils ne perdent pas plus de temps et qu’ils le fassent. J’ai eu de la chance de pouvoir retrouver cette personne et j’ai eu de la chance qu’il soit encore en vie. Il avait 88 ans quand je l’ai appelé. C’était il y a deux ans, je ne sais pas s’il est toujours là, mais ses jours sont certainement comptés.
Donc voilà mon histoire, et j’espère que d’autres pourront en profiter et en tirer de la force. »
Traduction et sous-titrage : Droit au Corps.