L’Académie des Pédiatres Américains (AAP) a publié le 27 août dernier son nouveau point de vue concernant la circoncision infantile.
L’AAP estime que « les avantages pour la santé [de la circoncision infantile] l’emportent sur les risques liés à la chirurgie, mais les avantages ne sont pas assez grands pour recommander la circoncision infantile de manière universelle », et que « la décision finale devrait être laissée aux parents de faire en fonction de leurs convictions religieuses, éthiques et culturelles. »
La dernière déclaration de l’AAP sur le sujet datait de 1999 et était assez neutre, mais cette fois l’organisme se prononce en faveur de la circoncision, estimant que « les avantages de la procédure justifient l’accès à cette procédure pour les familles qui le choisissent. »
Communiqué sur le site officiel de l’AAP
Article sur reuters.com, traduction approximative sur françaisenouvelles.com.
Il s’agit d’une bien triste nouvelle pour tous les défenseurs des enfants, du droit à l’intégrité physique, de l’éthique, mais surtout pour tous les garçons qui se verront privés de leur prépuce par des parents mal informés à cause de l’AAP !
Cette nouvelle position de l’AAP a bien évidemment provoqué de nombreuses réactions négatives à travers le monde, dont nous proposons ici quelques exemples :
Le Children’s Health & Human Rights Partnership (CHHRP) a ainsi vivement condamné la déclaration de l’AAP. Le Docteur Christopher Guest, co-fondateur du CHHRP, estime que l’AAP ne reconnaît pas les fonctions sensorielles uniques du prépuce masculin : « Un nombre croissant d’associations médicales reconnaissent maintenant que le pénis intact avec un prépuce améliore le plaisir sexuel pour l’homme et sa partenaire. »
Le Docteur Guest fait ensuite référence à l’Association Royale Médicale Néerlandaise, qui avait conclu en 2010 que « le prépuce est une structure érogène complexe qui joue un rôle important dans la fonction mécanique du pénis pendant les rapports sexuels. »
Guest prend ensuite en défaut l’argument de la circoncision pour lutter contre le VIH, et montre une contradiction en expliquant que les États-Unis, qui possèdent un très haut taux de circoncision, ont pourtant un taux bien plus grand d’infection au VIH que des pays comme la Suède ou le Japon, où la circoncision est rare.
Concernant l’argument parfois avancé de l‘hygiène, Guest explique que la circoncision infantile ne pourra jamais être justifiée au nom du principe éthique de proportionnalité, puisqu’il existe en effet des manières plus efficaces et moins destructrices d’améliorer l’hygiène et de prévenir ou guérir des maladies sans couper le prépuce, qui est une partie saine et fonctionnelle du sexe masculin.
« Du savon et de l’eau et des pratiques sexuelles à moindre risque, comprenant le préservatif, peuvent empêcher des maladies. De nouveaux vaccins contre le cancer du pénis et du col de l’utérus peuvent empêcher l’infection du papillomavirus », explique le Docteur Guest.
Il critique très sévèrement le fait que l’AAP ne voit pas l’opposition entre éthique médicale et circoncision infantile, qui selon lui viole les principes éthiques fondamentaux de l’autonomie, de la bienfaisance et du « primum non nocere » : d’abord, ne pas nuire.
« Les associations médicales aux Pays-Bas, en Finlande, en Suède, en Norvège, au Danemark, en Allemagne ainsi que dans d’autres pays confirment qu’il n’y a pas de justification pour circoncire les enfants en l’absence d’urgence médicale. Ces associations médicales demandent instamment un terme à la pratique en raison de préoccupations éthiques et de droits humains », précise Guest.
« La préservation de l’intégrité physique est un droit fondamental et universel de l’Homme auquel l’AAP ne semble pas accorder de valeur quand il s’agit de garçons. En dépit de la nouvelle politique américaine, nous, les Canadiens, ainsi que nos institutions et le gouvernement, avons l’obligation de préserver ce droit pour tous les citoyens, sans distinction de sexe ou d’âge », conclut-il.
KQED Radio a consacré une émission à la question, dans laquelle le Docteur Dean Edells’est opposé au Docteur Douglas Diekema, membre de l’AAP. L’émission s’est clairement déroulée en faveur des opposants à la circoncision.
Le site salem-news.com reprend les propos du Docteur Ronald Goldman du site Circumcision Resource Center, qui critique la position de l’AAP et conclu de la manière suivante : « Nous n’avons pas eu le courage d’admettre que nous faisons une erreur très grave avec la circoncision. Pour les américains, la circoncision est une solution à la recherche d’un problème, une coutume motivée psychologiquement et déguisée comme un problème médical. Défendre la circoncision nécessite de minimiser ou d’ignorer les nuisances et de mentionner des résultats médicaux exagérés. »
L’organisation Doctors Opposing Circumcision (Médecins opposés à la circoncision) a produit un très bon document de 8 pages (disponible ici) pour répondre à l’AAP. Le Président du groupe, le Docteur George Denniston, s’exprime sur le site Healthcare Global :
C’est encore une autre tentative flagrante de marketing médical à venir. L’AAP est la même organisation qui a essayé d’introduire l’excision pour les filles musulmanes en 1996 et en 2010, et elle a été hué à chaque fois. Ce sont aussi des occasions d’affaires lucratives.
Il répond également aux arguments de l’AAP concernant les infections et maladies :
Une infection urinaire dérange seulement un individu sur 100 bébés garçons et se traite facilement avec des antibiotiques. Même si la circoncision aidait, il faudrait statistiquement 111 circoncisions pour prévenir une infection urinaire facilement traitée. Certains de ces 111 garçons souffriraient de complications dues à la circoncision beaucoup plus graves qu’une simple infection urinaire.
A propos du cancer du pénis :
Le cancer du pénis est le plus rare de tous les cancers masculins, affectant seulement un individu sur 100.000 hommes très âgés, et la circoncision ne le prévient pas exactement. La circoncision de 100.000 hommes pour prévenir – peut-être – un seul cas de cancer du pénis coûterait de 75 à 100 millions de dollars. De l’argent qui serait mieux dépensé à soigner la victime du cancer elle-même. Parmi les 100.000 circoncisions il y aurait des milliers de complications inévitables qui draineraient d’avantage de ressources médicales.
Sur le VIH/Sida :
La seule nouvelle raison pour laquelle l’AAP propose la circoncision est le VIH. Les « études » très critiquables qu’ils citent à propos du VIH concernent des hommes adultes dans des zones à forte prévalence au VIH en Afrique. Personne ne peut légitimement prétendre que la circoncision a un effet protecteur sur les infections sexuellement transmissibles, dont le VIH, dans les pays développés.
« Les associations médicales européennes évitent toute manipulation des organes génitaux ou sur-traitement et fournissent un accès complet à de réels soins médicaux pour leurs nourrissons sains et naturels. Ils n’oseraient pas émettre un mot de cette nouvelle politique de l’AAP, qui est motivée par l’insécurité monétaire des médecins américains, un sentiment de contrainte et n’est supportée que par de vieux mythes », conclu le Docteur Deeniston.
Un article sur le site du Nouvel Observateur montre le scepticisme des experts français concernant la déclaration de l’AAP. Le Docteur François Desgrandchamps, chirurgien urologue, déclare entre autre :
Ce qui sous tend tout ça est un problème d’argent. L’idée c’est que les pédiatres qui favorisent la circoncision pour des problèmes hygiénistes voient la couverture de cette procédure non prise en charge par les assurances médicales. Et donc on a vu comme ça le taux de circoncision aux États-Unis passer de 79 % il y a 20 ans, à 55 % maintenant. C’est un appel pour que des lobbies, de parents par exemple, puissent faire en sorte que la circoncision soit remboursée par les assurances médicales aux États-Unis.
Le site Nature.com publie un article (auquel fait référence 20minutes.fr) dans lequel on peut lire la réaction de Rowena Hitchcock, présidente de la British Association of Paediatric Urologists (Association des pédiatres urologues du Royaume-Uni), qui se déclare « déçue » par la déclaration de l’AAP, qui recommande une « chirurgie irréversible et mutilatrice. »
Le célèbre site Peaceful Parenting, qui comptabilise plusieurs dizaines de milliers de lecteurs, a également réagit par un long article dans lequel on retrouve de nombreuses informations.
Brian D.Earp a posté un message très intéressant sur le blog Practical Ethic de l’Université de Oxford.
Gert van Dijk, un spécialiste de l’éthique de l’Association Royale Médicale Néerlandaise, pense que l’AAP a sous estimé les dommages potentiels de la circoncision :
L’intégrité du corps est une chose importante. Nous n’amputerions jamais une partie saine d’un enfant.
C’est sur ces mots pleins de bon sens que nous finirons notre revue de presse. A n’en pas douter, d’autres réactions suivront dans les jours à venir. A suivre.