Sommaire :
- Lettre ouverte au docteur Sylvain Mimoun et à la rédaction du Parisien
- Lettre ouverte aux instances de pilotage des Assises de sexologie et de santé sexuelle 2016
Lettre ouverte au docteur Sylvain Mimoun et à la rédaction du Parisien
Le 1er décembre 2015
Objet : Réaction à l’émission Sexo & Co sur circoncision et plaisir sexuel
Monsieur Sylvain Mimoun,
Monsieur le rédacteur en chef du Parisien,
L’association Droit au Corps a pour objet de mettre fin à toute forme de mutilation sexuelle – féminine, masculine, transgenre et intersexe – pratiquée sur un individu sans son consentement libre et éclairé, et sans nécessité thérapeutique. La vision de Droit au Corps se fixe notamment comme objectif de « soutenir l’effort de formation du corps médical et d’information de tous les acteurs de la santé et, le cas échéant, jouer un rôle de lanceur d’alertes ».
Dans ce rôle, Droit au Corps réagit à l’émission Sexo & Co : la circoncision offre-t-elle plus de plaisirs sexuels ? publiée sur le site Internet du Parisien [mise à jour octobre 2019 : la vidéo n’est plus en ligne sur le site, mais elle est toujours hébergée sur la chaîne Dailymotion du Parisien] le 7 octobre dernier et dans laquelle le docteur Sylvain Mimoun présente une vision erronée du lien entre circoncision et plaisir sexuel.
Tout d’abord, le docteur Mimoun affirme qu’ « on ne peut pas savoir si le même homme peut avoir plus de plaisir étant circoncis que non circoncis puisque si il est l’un, il n’est pas l’autre », alors qu’il existe des témoignages d’hommes ayant été circoncis à l’âge adulte qui rapportent une diminution de leur plaisir sexuel. En outre, plusieurs études démontrent clairement que la circoncision présente un risque d’altération du plaisir sexuel, ne serait-ce que par la suppression de zones érogènes majeures (prépuce, frein). Des effets négatifs sont également observables chez le partenaire sexuel féminin.
Ensuite, le docteur Mimoun déclare qu’ « un homme qui n’est pas circoncis a besoin de décalotter son prépuce pour pouvoir avoir le rapport » et plus loin que « quand [l’homme non circoncis] décalotte, il est comme un homme qui est circoncis, puisque l’homme qui est circoncis est toujours décalotté. » Cette manière de présenter les choses peut laisser penser que le prépuce serait un inconvénient, alors qu’il conviendrait au contraire d’en signaler les avantages : lors du rapport sexuel, la dynamique de coulissement du prépuce le long de la verge est source de plaisir et de confort. De plus, le docteur Mimoun occulte totalement les différences d’aptitude au plaisir entre homme intact et homme circoncis : cicatrice, assèchement de la muqueuse du gland, perte de zones érogènes.
Enfin, il dit que « si un homme n’a pas mal, et quand il est circoncis, il n’a pas mal, à la différence de celui qui peut avoir le prépuce un peu serré ». Traiter de la différence de plaisir entre homme circoncis et homme intact en se basant sur un cas pathologique (le phimosis) est un non-sens.
Toutes ces contrevérités, qui constituent l’essentiel de l’émission, sont d’autant plus préjudiciables à un consentement pleinement éclairé à la circoncision qu’elles émanent d’un spécialiste et bénéficient pour leur diffusion de la caution d’un grand média. Un tel contexte tend à banaliser cette pratique responsable de nombreuses souffrances sur le plan sexuel, physique et psychologique.
En cohérence avec la charte éthique du Parisien, Droit au Corps souhaite le retrait de cette vidéo et la publication d’une nouvelle émission reflétant les connaissances scientifiques actuelles. Droit au Corps et ses partenaires cosignataires sont prêts à y contribuer.
Cosignataires :
Michel Beaugé, médecin andrologue
Yves Ferroul, médecin sexologue
Dominique Le Houézec, médecin pédiatre
Olivier Maurel, écrivain et chercheur sur la violence
Charles Murhula, médecin
Emmanuelle Piet, médecin, présidente du Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV)
Fabienne Richard, sage-femme, directrice du Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles de Belgique (GAMS Belgique)
Wasso Witakulu Reynolds, médecin
Copie :
Association Interdisciplinaire post Universitaire de Sexologie
Association pluridisciplinaire de recherches et d’études sur la sexualité
Association pour le développement de l’information et de la recherche sur la sexualité
Fédération française de sexologie et de santé sexuelle
Société Française de Sexologie Clinique
Société francophone de médecine sexuelle
Association des Sexologues du Québec
Santé sexuelle Suisse
Société des Sexologues Universitaires de Belgique
Association Française d’Urologie
Association Française des Urologues en Formation
Société d’andrologie de langue française
Conseil national de l’Ordre des médecins
Assurance Maladie
Lettre ouverte à l’attention des instances de pilotage des Assises de sexologie et de santé sexuelle 2016
Le 12 mars 2016
Présidente d’Honneur : Marie Chevret-Measson
Présidents des Assises : Mireille Bonierbale, Pierre Costa, Éric Tanneau
Présidente du comité scientifique : Marie-Hélène Colson
Membres du comité scientifique : Philippe Brenot, Béatrice Cuzin, Gilles Formet, Laure Grellet, Joëlle Mignot, Sylvain Mimoun, Michèle Pujos-Gautraud, Éric Tanneau, Arnaud Sevène
Objet : Circoncision, sexologie et santé sexuelle
La circoncision est un sujet méconnu et peu présent dans le débat public. En matière de santé sexuelle et compte tenu des souffrances considérables que peut entraîner l’ablation du prépuce en l’absence d’un consentement éclairé, la vision de notre association pointe l’importance de relayer les bonnes pratiques et accompagner les individus circoncis en souffrance.
Comme en atteste cette lettre ouverte que nous avons adressée fin 2015 au docteur Sylvain Mimoun et à la rédaction du Parisien, certains spécialistes de sexologie et de santé sexuelle ne sont malheureusement pas épargnés eux-mêmes par la méconnaissance qui prévaut sur ce sujet. Pire encore, ces 2 minutes de contrevérités sont toujours en ligne sur le site du Parisien.
Les sexologues devraient être un acteur de poids dans cette mission d’information du grand public :
– d’une part part en diffusant les connaissances sur les fonctions sexuelles du prépuce (voir par exemple l’interview de ce spécialiste) et les conséquences de son ablation ;
– d’autre part en diagnostiquant mieux en quoi la circoncision peut être une cause de troubles de la sexualité des hommes et des femmes, et comment y remédier.
Nous sommes prêts à collaborer avec les professionnels de la sexologie, par exemple pour concevoir une journée des Assises 2017 sur le thème de la circoncision. De véritables programmes de recherche devraient être engagés sur des thèmes comme :
– la sexualité avant et après circoncision : avec la campagne de l’OMS en Afrique subsaharienne visant à lutter contre le VIH, il existe des millions d’adultes susceptibles de témoigner de l’impact de la circoncision, en connaissance de cause. Ils pourraient également témoigner de la façon dont leur consentement a été “éclairé” sur les conséquences de l’ablation du prépuce ;
– la circoncision dans les troubles de la sexualité ainsi que les perspectives d’accompagnement, comme la restauration ou la régénération du prépuce ;
– l’impact de la circoncision sur les femmes : des études scientifiques ou ce type de témoignage suggèrent que la circoncision peut entraîner une relation sexuelle de moins bonne qualité.
Nous vous saurions gré de bien vouloir communiquer cette présente lettre ouverte aux participants des Assises.
Cordialement,