Phimosis, décalottage forcé : interview du docteur Beaugé

Pourquoi ne faut-il pas décalotter le petit garçon ? Que faire en cas de phimosis ? Comment le prépuce fonctionne-t-il ? Quelles alternatives à la circoncision ? Autant de questions auxquelles répond pour nous le docteur Beaugé.

Michel Beaugé est médecin généraliste et andrologue. Il s’est très tôt intéressé à la question du phimosis et a d’ailleurs rédigé son mémoire de fin d’étude sur le sujet. Au cours de sa carrière, il a reçu en consultation de nombreux enfants, adolescents et adultes qui avaient un problème supposé ou réel avec leur prépuce, et a pu leur apporter une solution ne nécessitant pas la circoncision, opération souvent effectuée à tort en cas de phimosis.

Mignon bébé garçon surpris

Sommaire :

  1. Andrologie et sexologie
  2. Le phimosis: physiologique chez l’enfant
  3. Décalottage forcé et idées reçues sur l’hygiène
  4. Circoncisions abusives et alternatives
  5. Conséquences de la circoncision
  6. Le prépuce
  7. L’importance du consentement
  8. Le phimosis chez l’adolescent
  9. Indications médicales à la circoncision
  10. Circoncision forcée
  11. Conclusion

Andrologie et sexologie

Droit au Corps : Docteur Michel Beaugé, bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Vous êtes qualifié en andrologie et en sexologie. Vous avez plusieurs dizaines d’années d’exercice exclusif dans ces disciplines. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Docteur Michel Beaugé : La sexologie s’intéresse au fonctionnement sexuel, que ce soit masculin ou féminin, que ce soit des problèmes organiques ou psychologiques. L’andrologie est le pendant de la gynécologie ; en grec, gunaikos (gunê) signifiant femme, et andros (anêr) signifiant homme. C’est donc la science médicale qui prend en charges les pathologies de l’appareil génital masculin.

Ces deux sciences (sexologie et andrologie) se complètent parfaitement et sont très récentes. Elles ne sont apparues qu’il y a environ 50 ans pour la sexologie (Masters et Johnson) et en 1990 pour l’andrologie (Pr Gabriel Arvis).

Au plan masculin, il est possible de prendre en charge les troubles de l’érection, de l’éjaculation, voire des anomalies de conformation du pénis.

Le phimosis : physiologique chez l’enfant

DaC : Venons-en au phimosis. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

M.B. : Le pénis comporte à son extrémité une partie qui s’appelle le gland. Cette partie érogène particulièrement sensible et source d’intense plaisir est normalement couverte et protégée par une sorte de paupière qui se nomme le prépuce. Ce repli, comme la paupière, a un versant muqueux côté gland, un versant cutané côté externe, et là encore, comme la paupière protège l’œil, il protège le gland. Mais il a la possibilité d’être rétracté pour découvrir le gland (on dit souvent “décalotter”) lorsque c’est nécessaire, et tout particulièrement lors des rapports sexuels.

Le phimosis, c’est quand l’orifice du prépuce est plus étroit que le volume du gland et que ce décalottage en est gêné. Parfois, le décalottage du gland est totalement impossible dans toutes situations. Pour d’autres sujets, il est difficile ou incomplet seulement en érection.

Le phimosis est physiologique chez l’enfant, c’est très important de le dire. D’ailleurs, dans le cas d’un enfant, on ne devrait pas utiliser le mot “phimosis” puisque celui-ci défini une pathologie, alors que chez l’enfant un prépuce non rétractable est physiologique (quand bien même certains enfants peuvent décalotter facilement, même tout petits).

DaC : La non rétractibilité du prépuce étant physiologique chez l’enfant, cela signifie donc que c’est normal et qu’il est extrêmement fréquent que les petits garçons ne puissent décalotter ?

M.B. : Oui, une majorité de petits garçons ont un prépuce étroit. Mais ce pourcentage diminue avec l’âge. Deux phénomènes expliquent cette évolution : les érections et les tripotages ludiques de l’enfant. Cependant, nombre de petits garçons qui jouent avec leur pénis tirent sur leur zizi, comme pour l’agrandir, d’autres manipulent le prépuce pour le refouler. Le premier geste aura tendance à créer un prépuce long que l’on qualifie de « trompe » et qui pérennisera le phimosis. Le second provoquera un agrandissement du diamètre de l’orifice prépucial et favorisera le décalottage.

Décalottage forcé et idées reçues sur l’hygiène

DaC : En France, on entend encore trop souvent dire qu’il faut que le médecin ou les parents, au cours de l’examen ou de la toilette, pratiquent le décalottage du petit garçon pour obtenir cet élargissement. Aujourd’hui, beaucoup de médecins déconseillent ce geste. Quelle est votre position ?

M.B. : Il ne faut surtout pas décalotter un enfant. Ce geste sera ressenti par l’enfant comme un viol, une intrusion dans son intimité, et c’est dramatique pour son avenir. D’autant qu’il y a plusieurs risques dans cette pratique, et les pédiatres, pour la plupart, ont pris conscience des séquelles possibles.

Le geste pratiqué par l’enfant lui-même, du fait de son caractère ludique, n’atteindra jamais le seuil de la douleur. Alors que fait par un tiers, la mémoire de cette douleur fera que le patient refusera cette pratique encore longtemps après.

Le deuxième risque est de provoquer des petites déchirures du prépuce, des petites gerces, qui guériront très vite, mais le feront de façon fibreuse. De ce fait le résultat sera d’aggraver la difficulté à décalotter et de limiter l’élasticité. Viendrait-il à l’idée d’une maman ou d’un papa d’utiliser ses doigts pour élargir le vagin de sa petite fille ?

DaC : Certaines personnes disent que si un garçon n’est pas décalotté pour que la toilette soit effectuée sous le prépuce, cela risque d’entraîner un problème d’hygiène et/ou un risque d’infection. Que répondez-vous à cela ?

M.B. : L’enfant non pubère a très peu de sécrétions génitales (smegma) et il n’y a donc aucune nécessité de laver cet endroit, tout comme on ne fait jamais d’irrigations vaginales chez sa sœur. S’il y a une infection urinaire, il n’est pas exclu que les microbes soient aussi présents sous le prépuce. Mais comme toutes infections urinaires, ceci se traite sans difficultés par les antibiotiques spécifiques.

DaC : Il n’y a donc aucune raison de manipuler le prépuce d’un enfant ?

M.B. : Absolument. Par contre, il est logique d’autoriser l’enfant à jouer avec son zizi (pas n’importe où !) dans sa chambre ou le bain, et même de lui expliquer l’intérêt pour son développement harmonieux de le faire dans le sens du décalottage.

DaC : Beaucoup de parents se demandent comment ils doivent s’y prendre pour laver le sexe de leur petit garçon lorsque celui-ci n’est pas encore en âge de le faire. Que conseillez-vous ?

M.B. : Comme toute autre partie du corps. De la même manière que vous lavez un doigt par exemple, avec de l’eau et du savon, comme pour le reste.

illustration du pénis du petit garçon avec prépuce

Lavez le pénis de votre petit garçon comme vous le feriez pour un doigt, sans décalotter.

Circoncisions abusives et alternatives

DaC : Beaucoup de chirurgiens pratiquent une circoncision sur des enfants dont le décalottage n’est pas complet. Qu’en dites-vous ?

M.B. : C’est une hérésie. La grosse majorité des cas de phimosis chez l’enfant (physiologique, je le rappelle) se résoudront d’eux-mêmes. Et si parfois, lorsque l’orifice est extrêmement petit, on peut imaginer que la dilatation ne sera pas obtenue spontanément, alors une ou plusieurs petites incisions partant de cet orifice punctiforme résoudront le problème. Ceci s’appelle l’opération de Duhamel, mais elle est très rarement pratiquée. Le plus souvent est adoptée une circoncision, amputation radicale de tout le prépuce. Cette circoncision est une mutilation à équivalent castrateur et source de séquelles physiologiques et psychologiques. Attitude paradoxale alors que les chirurgiens, par éthique et légalité, chercherons à conserver un doigt atteint d’un panaris ou un orteil concerné par un ongle incarné.

DaC : Comment expliquer cette différence d’attitude face au phimosis ?

M.B. : Je vois plusieurs raisons :

– la méconnaissance du rôle du prépuce, de son utilité dans la physiologie du coït ;
– la méconnaissance des traitements médicaux et de l’efficacité des conseils donnés à l’enfant ;
– le prosélytisme ;
– le mercantilisme, puisque c’est un acte rémunérateur.

Conséquences de la circoncision

DaC : Pouvez-vous nous parler des séquelles qui peuvent faire suite à une circoncision ?

M.B. : À ce stade, je n’aborderai que les séquelles d’une circoncision faites chez l’enfant ou l’adolescent non encore concerné par les rapports sexuels pénétrants. Bien sûr, à ces âges, la décision d’opérer est prise par les adultes, le patient ne peut pas vraiment en comprendre l’intérêt et le plus souvent il n’est même pas informé de ce qui va être pratiqué. Il n’est absolument pas en mesure de donner un accord éclairé. Il ne souffre pas de la situation.

– Le siège de l’intervention, au niveau de la partie la plus précieuse de la génitalité, sera terrorisante, et l’aspect du pénis sera irrémédiablement modifié. Avec en corollaire la gêne de se savoir différent des autres, à des âges où la recherche de normalité est intense. L’amputation d’une partie de l’appareil génital est un équivalant de castration, donc traumatisme psychologique majeur. De plus, le garçon est exhibé nu sur la table d’opération et aura secondairement des soins infirmiers qui, à cet endroit, pourront être vécus comme des viols de son intimité, des attentats à sa pudeur.

– Douleurs : en premier lieu, la causalgie (sensation de brûlure cuisante) qui peut durer plusieurs semaines, provoquée par la mise à l’air brutale et définitive de la muqueuse du gland. Douleurs des incisions et sutures.

– Comme toute chirurgie, on peut rencontrer un certain nombre d’incidents et d’accidents (incidents anesthésiques…).

– Une maladresse chirurgicale conduit à une opération ratée au vécu dramatique. Exérèse cutanée excessive limitant les érections, difficultés de cicatrisation, hémorragie, allergie aux antiseptiques…

– Et bien sûr, le rôle physiologique du prépuce, voire de son frein, est définitivement perdu.

Le prépuce

DaC : Pouvez-vous nous dire ce qu’est le prépuce et quelle est son utilité ?

M.B. : Alors là, il y a beaucoup à dire. Beaucoup de gens pensent que ce petit bout de peau ne sert à rien, alors que cet organe a beaucoup de rôles à jouer et à tous les âges de la vie. C’est une très grosse question et je vous prie de m’excuser, mais je vais être assez long pour y répondre. Vous allez mieux comprendre en quoi la circoncision est délétère pour la sexualité de l’homme, mais aussi pour ses partenaires.

Je vais commencer par expliquer quelques éléments d’anatomie.

Il existe deux sortes de téguments :

– la peau, qui assure l’enveloppe du corps pour tout ce qui est en contact avec l’extérieur ;
– les muqueuses, tissus épithéliaux humides revêtant certains conduits et cavités de l’organisme, que l’on pourrait décrire vulgairement comme des peaux intérieures.

Pour ne citer que les muqueuses qui sont immédiatement accessibles et visibles : les parois internes des joues, la cornée de l’œil et la face interne des paupières, le gland et la face interne du prépuce, les parois de la cavité vaginale, celles de l’anus… Les muqueuses étant très fines, les récepteurs sensitifs sont directement stimulés, et de fait la sensibilité des muqueuses est bien plus marquée que celle de la peau, plus épaisse.

Ces muqueuses ont la particularité d’être humides en permanence (mucus), douloureuses en cas de sécheresse, et de n’avoir de contact logique qu’avec une autre muqueuse du sujet lui-même : l’œil avec le versant muqueux de la paupière, par exemple. Exception dans le domaine de la sexualité où la muqueuse du sujet peut être en contact avec la muqueuse d’un tiers. Gland dans le vagin, langue dans la bouche de l’autre (french kiss) et même le baiser bouche/bouche, les lèvres étant cutanéo-muqueuses.

La longueur de la peau du pénis normal est augmentée de celle du prépuce, puis du versant muqueux de ce dernier. Il s’en suit que la longueur totale des téguments une fois déroulés est bien supérieure à celle de la hampe (partie de la verge qui supporte le gland). De plus, ce revêtement coulisse très facilement sur les structures sous-jacentes de la verge grâce à un tissu sous-cutané extrêmement lâche, sur une grande amplitude, sans douleur, sans friction, sans échauffement irritatif. Cette particularité n’est retrouvée à un tel niveau dans aucune autre partie extérieure du corps humain.

Le frein est un lien muqueux qui s’insère en haut à la face ventrale du gland et en bas à la muqueuse du prépuce.

Ces rappels anatomiques permettent de comprendre la physiologie sexuelle.

Le fait que le gland soit recouvert d’une fine muqueuse, qu’il soit en permanence à l’abri de l’air, une humidité lubrifiante (smegma) par le contact de la face interne du prépuce assure au gland une sensibilité extrême, agréable et plaisante. La lubrification permanente, tout cela facilite le coulissement des tissus l’un sur l’autre. La discrète adhérence du mucus provoque au moment du décollement un effet “scotch” très érogène. Ceci a été décrit par des chercheurs américains, mais est aussi une constatation élémentaire des hommes ayant un pénis intact.

La muqueuse du gland est très fine tant qu’elle est protégée par son prépuce. Si elle est exposée en permanence à l’air, à la peau abdominale, aux sous-vêtements, la muqueuse va perdre cette finesse, s’épaissir pour s’auto-protéger, s’épithélialiser et perdre peu ou prou ses caractères et donc sa sensibilité érogène particulière. Il est également important de noter que le prépuce est aussi très riche en terminaisons nerveuses sensitives et participe à la provocation de sensations érogènes et orgasmogènes.

Photo d'un prépuce qui recouvre le gland d'un pénis

Photo de l’extrémité d’un pénis dont le gland est recouvert en grande partie par le prépuce.

La circoncision ampute le prépuce et donc ses terminaisons nerveuses. La muqueuse du gland perd une part de sa sensibilité. Rien ne sera plus aussi exquis qu’avant.

Dans le cas d’un sexe avec prépuce, l’extrême capacité de coulissement de la peau du pénis permet l’absence de friction avec la muqueuse du vagin. Dans le cas d’un pénis circoncis, la muqueuse du vagin souffre d’un contact de frottement avec un tissu cutané plus rugueux et résistant, ce qui peut être source d’irritation pour les partenaires. Le pénis, en fait, coulisse normalement dans sa propre peau.

Physiologiquement, le frein est un organe utile qui remplit plusieurs rôles :

– Il permet, au moment du décalottage, de retenir la partie inférieure du prépuce, donc de faciliter la remise en place du prépuce au terme d’une érection. Certains hommes (et tous les mammifères mâles !) n’ayant même pas besoin d’intervenir manuellement pour se recalotter à la détumescence. Or malheureusement, le plus souvent le frein est emporté par la circoncision.

– Le frein tendu a une sensibilité très particulière, source d’intense plaisir érotique. Les contacts à ce niveau, dans ces conditions, vont aussi participer au déclenchement de l’orgasme.

– Enfin, l’alternance de tension/relâchement du frein dans les mouvements alternatifs du coït ou de la masturbation provoque une bascule du gland, source de variation de pression à l’intérieur, orgasmogène. Cette bascule du gland, au cours de l’introduction profonde dans le vagin, détermine que l’orifice de l’urètre (le méat) se trouve alors plus en regard avec l’orifice du col utérin et que la mise à cet endroit du sperme participe à améliorer la fécondance.

Photo du frein du pénis sur un sexe intact non circoncis

Le frein relie le gland au prépuce.

La circoncision va donc :

  • priver partiellement le sujet de l’extrême sensibilité du gland.
  • lui supprimer de fait toutes les terminaisons sensitives érogènes du prépuce.
  • limiter plus ou moins la mobilité du fourreau selon l’ampleur de l’amputation.
  • modifier notablement l’aspect (l’esthétique) de l’organe.
  • imposer une cicatrice parfois vicieuse.

Dans le monde, le nombre d’hommes circoncis est important, que ce soit pour des raisons religieuses ou rituelles, hygiéniques (!) ou encore mercantiles. Ces individus mutilés non pubères trouveront par force, au cours de l’éveil sexuel, l’accès à l’orgasme malgré un manque de peau pénienne, la privation des terminaisons nerveuses de la peau du prépuce et une érosion de la sensibilité tégumentaire du gland. À l’inverse, un homme privé à l’âge adulte de ces zones érogènes aura beaucoup de mal à reconstruire des voies orgasmiques de qualité.

À noter que la sensibilité du gland et ses capacités érogènes sont médiocres à l’état de flaccidité et majeures si une intumescence existe. En effet, ce sont les variations de pression dans le gland qui sont captées par des terminaisons sensitives spécifiques. L’organe flaccide (vide de sang) ne peut, quelle que soit la caresse dans cette situation, avoir ces variations de pression. À l’inverse, la sensibilité cutanée du prépuce de type tactile existe, que la verge soit en érection ou non.

Le sujet jeune voit volontiers une érection s’installer par le fantasme ou le rapprochement avec un ou une partenaire. Mais l’homme mûr, qui n’a pas cette spontanéité de réponse, est plus souvent amené à utiliser cette « zone starter » pour initier cette excitation. Il viendra alors un âge où de nouvelles séquelles de la mutilation peuvent apparaître.

Ainsi, la circoncision n’hypothéquera pas la fécondité du couple jeune, mais présente un risque manifeste de perturber la sexualité de l’homme plus âgé. Homme qui a droit, comme tout autre, à la santé sexuelle.

Concernant les transmissions virales ou bactériennes : le gland circoncis, épithélialisé, moins sensible et plus résistant (parallèle avec la main d’un travailleur manuel) va faire que l’homme aura appétence pour un coït plus vigoureux, plus irritant pour la fragile muqueuse vaginale, et les atteintes de cette muqueuse seront plus volontiers portes d’entrée pour des IST, dont bien sûr le VIH. Les publications sur des incitations à la circoncision chez des africains concluent à une petite incidence positive sur la transmission du SIDA de la femme à l’homme (seulement), mais se gardent de quantifier la transmission de l’homme à la femme.

L’importance du consentement

DaC : La circoncision non thérapeutique ne présente donc que des inconvénients ?

M.B. : Oui, si elle est pratiquée sur des enfants ou des adolescents qui sont de fait non consentants. La situation est différente lorsqu’un homme adulte a choisi de modifier sa morphologie et qu’il est parfaitement informé des modifications irréversibles qu’il aura ensuite. C’est une situation proche du choix de se faire un tatouage.

Le phimosis chez l’adolescent

DaC : Que faire face à un phimosis persistant chez un garçon de 15 ou 16 ans ?

M.B. : Dans la pratique médicale, il est de règle avant tout geste chirurgical de rechercher un traitement médical. Et justement, l’étude de ces adolescents, si on se donne la peine de les questionner sur leur pratique masturbatoire, nous apprend que le geste n’est nullement orienté par un va-et-vient cherchant à décalotter. Au contraire, ce peut être une traction en sens inverse (j’ai évoqué précédemment le prépuce en trompe) ou le fait de rouler la verge entre les deux paumes. Il existe une multitude de techniques.

En instruisant le patient de l’intérêt de modifier cette dynamique, on observe en général une correction en moins de trois semaines. Donc sans douleur, sans frais et dans un temps plus court que la cicatrisation d’une suture chirurgicale. Certains de mes collègues proposent d’adjoindre une application de pommade cortisonée, ce qui est contributif.

Il perdure que les orifices punctiformes du prépuce, inaccessibles à cette kinésithérapie, peuvent bénéficier de l’opération de Duhamel qui préserve le prépuce dans toutes ses fonctions, sensitives, esthétiques et physiologiques.

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En cas de nécessité, la plastie de Duhamel permet d’élargie le prépuce pour le rendre rétractile.

Indication médicale à la circoncision

DaC : Il n’y aurait donc jamais d’indication médicale à la circoncision ?

M.B. : Je n’ai pas dit cela. Il existe une maladie, le lichen scléro-atrophique, qui peut atteindre le prépuce, le plus souvent chez l’homme mûr. S’agissant d’une maladie qui gagne souvent toute la peau du prépuce et lui fait perdre toute élasticité, ceci entraîne de grosses difficultés dans la sexualité. Cette maladie se traite, parfois avec succès, par les pommades à la cortisone. Mais en cas d’échec, il est alors incontournable de procéder à l’ablation de la totalité du prépuce. En effet, une simple résection de la partie rétrécie risque de mener à une récidive de la partie restante. Il y donc là un impératif chirurgical.

Il faut savoir que le quinquagénaire, ou plus, a risque de voir sa sexualité condamnée par cette opération, du fait des difficultés à cet âge de s’adapter à une situation nouvelle. Mais votre mouvement œuvre à protéger les jeunes de chirurgie abusive. Dans cette génération, nous ne sommes plus dans le domaine de vos préoccupations.

D’aucuns prétendent que cette maladie pourrait aussi toucher des enfants. Si ceci est vrai, ce ne saurait être que rarissime et, en toute logique, cette atteinte devrait être prouvée avant une circoncision. Peut être confondent-ils les séquelles des forçages sur le prépuce à l’enfance avec le lichen ?

La circoncision forcée

DaC : Un mot sur la circoncision non thérapeutique imposée aux enfants. En tant que médecin, que cela vous inspire-t-il ?

M.B. : Nous sommes dans un pays ou les philosophes, les humanistes (et la plupart des médecins le sont) et enfin la population s’indignent et s’insurgent contre les mutilations sexuelles féminines, et c’est très bien.

Paradoxalement, beaucoup de ces mêmes personnes tolèrent la mutilation sexuelle masculine. C’est absolument incompréhensible. Les lois françaises qui pourraient réprimer ces pratiques existent, mais ne sont pas appliquées. Ceci m’échappe. Mais il apparaît en Europe et dans les pays anglo-saxons, depuis quelques années, un réveil d’indignation. On est même condamnable pour une fessée ; alors pour une amputation ??? Vous suivez sûrement ceci de près.

Conclusion

DaC : Pour résumer ce que vous nous avez expliqué, il ne faut jamais toucher au prépuce d’un enfant (sauf lors de la toilette, qui s’effectue sans décalottage). En manipulant le prépuce, on risque de transformer un “phimosis” physiologique, spontanément résolutif, en un phimosis pathologique et, de plus, de perturber psychologiquement le petit garçon.

M.B. : Tout a fait.

DaC : Et dans le cas d’un prépuce non rétractable persistant, des traitements médicaux existent, mais sont méconnus, et la circoncision est souvent proposée en première intention.

M.B. : Oui, ceci est regrettable, car les échecs des traitements médicaux peuvent être repris par la chirurgie conservatrice : l’opération de Duhamel, et aussi l’excision de la trompe lorsqu’elle existe.

DaC : Docteur Beaugé, merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions.

M.B. : Merci aussi. Et bon courage dans votre cause.

Note : les liens, images et légendes ont été intégrés par Droit au Corps.

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