Article paru le 3 octobre 2013 sur huffingtonpost.com
Par William M. O’Barr
William M. O’Barr est professeur d’anthropologie culturelle, de sociologie et d’anglais à l’Université de Duke. Il est l’auteur de 12 livres, dont le prochain intitulé An Anthropologist Looks at Circumcision in American Life. Il répond ici à un article de Mark Joseph Stern, How Cirumcision Broke the Internet, paru le 18 septembre sur Slate.com.
La circoncision n’est plus un sujet honteux, absent des discussions en public. Internet a ouvert de vastes opportunités pour discuter en long et en large de ce sujet autrefois tabou entre tous. Mark Joseph Stern, en écrivant dans Slate le mois dernier, déplore dans sa conclusion que ceux qui s’opposent à la routine américaine habituelle sur le sujet de la circoncision masculine soient en train de gagner la guerre.
Il se pourrait bien, contrairement à ce qu’affirme Stern, que les intactivistes aient de bons arguments. Leur appel à respecter l’intégrité du corps de l’enfant jusqu’à ce qu’il soit assez âgé pour décider par lui-même de la marche à suivre parle à beaucoup de monde. Il y a bien sûr ceux qui sont contents que leurs parents aient pris le choix de les circoncire, si bien qu’ils n’ont pas à s’embarrasser à choisir eux-mêmes ou à craindre une future chirurgie douloureuse. Il y a ceux qui considèrent que le pénis circoncis est plus esthétique. Et il y a ceux qui soutiennent que les garçons devraient ressembler à leurs camarades dans les vestiaires ou à leur père. Et la liste continue.
Cependant, certains faits persistent. La circoncision est une « tradition » relativement nouvelle pour la plupart des familles américaines, datant seulement de la fin du 19ème siècle, quand elle fut avancée comme une mesure Victorienne pour empêcher la masturbation. Les docteurs l’ont recommandée (pour faciliter le nettoyage, empêcher la masturbation et autres considérations superficielles) et deux guerres mondiales plus tard, plus de la moitié de l’ensemble des mâles américains ont été circoncis.
Depuis lors, les patients sont devenus plus impliqués dans leurs soins de santé, allant jusqu’à questionner la nécessité des traitements, chirurgies et thérapies recommandés par leurs médecins. C’est dans ce contexte qu’a émergé une contestation de la nécessité d’une chirurgie de routine ciblant les pénis des bébés. Les préoccupations du public ont sans doute commencé à se cristalliser avec les contre-culturalistes des années 60. Ils se sont spécialisés dans la contestation de toutes sortes de pratiques établies et d’institutions. Les hippies étaient parmi les premiers à vouloir garder leurs enfants « naturels » en ne les faisant pas circoncire à la naissance. En 1989, même le Docteur Benjamin Spock, le « gourou » des soins des bébés dans l’Amérique du milieu du 20ème siècle, avait changé sa position. Il écrivait : « Ma préférence personnelle, si j’avais la chance d’avoir un autre fils, serait de laisser son petit pénis tranquille. »
Dans les 20 dernières années, cette idée de défier les vieilles habitudes a amassé un large soutien. Internet a facilité les initiatives pour laisser les pénis des bébés intacts. Les futurs parents peuvent discuter avec d’autres sur toutes sortes de forums, partageant leurs décisions, leurs expériences et leurs conclusions. Les hommes qui sentent avoir été lésés par la circoncision ou qui auraient simplement souhaité que leur pénis ait été laissé intact se rencontrent et, plus important, réalisent qu’ils ne sont pas seuls à penser ainsi. Des gens (hommes et femmes) s’organisent en groupes d’action politique qui tentent d’éduquer le public.
En mettant de côté les arguments médicaux peu probants, les autres arguments en faveurs de la circoncision ne sont pas accablants. De nombreux parents s’en tiennent à l’approche « tant qu’il n’y a pas de problème, on ne touche à rien » (« Le mieux est l’ennemi du bien »). Même s’il est vrai qu’une minorité d’enfants auront besoin d’une chirurgie (Note de Droit au Corps : il existe des alternatives), la plupart vivent très bien sans. Soixante-dix pour cent des hommes de la planète ne sont pas circoncis et n’ont aucun problème dû au fait que leur pénis reste intact.
Réfléchissez-y à nouveau, M. Stern. Ça n’est pas la circoncision qui a brisé Internet, mais plutôt Internet qui a aidé à briser le silence autour de la circoncision. Si vous pensez qu’il circule trop d’informations sur les raisons de ne pas circoncire, vous et ceux qui partagent votre pensée devriez vous activer à expliquer les arguments pro-circoncision.
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Traduction française : Droit au Corps
A lire également : la réponse de Steven Svoboda, directeur exécutif d’Avocats pour les droits de l’enfant.