La circoncision, qui consiste en l’ablation du prépuce, entraîne inévitablement des conséquences sur la sexualité de l’homme, puisqu’elle prive celui-ci d’une grande quantité de tissu sensoriel et des différentes fonctions qui y sont liées. Des effets négatifs sont également observables chez le partenaire sexuel féminin.
Sommaire :
- La perte d’une zone érogène
- La désensibilisation du gland
- La perte du mécanisme d’enroulement-coulissement
- Le prépuce : « l’unité sensorielle principale du pénis »
- Hommes circoncis à l’âge adulte : comparaison avant/après
- Notes et références
La perte d’une zone érogène
Comme nous l’avons vu dans cet article, le prépuce possède une fonction sensorielle : il contient plusieurs milliers de terminaisons nerveuses que l’on retrouve notamment au niveau de la bande striée, structure unique du corps humain. [1]
Une étude américaine publiée en 2007 visant à déterminer la sensibilité des différentes parties du pénis rapporte que le prépuce en est la partie la plus sensible au toucher. [2]
Extrait de l’étude (cliquer sur l’image pour afficher la taille originale) :
Interview du docteur Sorrells, qui a dirigé l’étude (voir page dédiée) :
À voir également, le commentaire du chercheur américain Ryan McAllister (visionner).
En 2013, une vaste étude de cohorte menée en Belgique « confirme l’importance du prépuce dans la sensibilité du pénis, la satisfaction sexuelle générale et le fonctionnement du pénis. » [12]
La désensibilisation du gland
Le prépuce recouvre et protège le gland du pénis en préservant l’humidité et la souplesse de sa muqueuse tout au long de la vie. [3]
Après la circoncision, le gland se retrouve exposé de manière permanente à l’air et aux frottements avec les vêtements.
S’opère alors progressivement un processus de kératinisation de la muqueuse du gland (apparition progressive de kératine, substance fibreuse et résistante, qui fait que la peau s’épaissit, durcit et se désensibilise).
Le gland, normalement lisse et humide sur un pénis intact, s’assèche, se durcit et devient rugueux sur un pénis circoncis. La muqueuse perd également de sa couleur naturelle, prenant un aspect plus pâle.
Par conséquent, le gland d’un pénis circoncis est moins sensible que celui d’un pénis intact [2, 12] et cette désensibilisation pourrait s’aggraver avec le temps. [13]
À gauche, pénis intact avec prépuce rétracté laissant apparaître le gland à l’aspect lisse et humide. A droite, pénis circoncis : le gland est kératinisé, donc sec et rugueux.
La perte du mécanisme d’enroulement-coulissement du prépuce
Un problème pour l’homme…
Le prépuce est mobile : lors du rapport sexuel, il glisse de haut en bas le long de la verge, assurant un confort à l’homme ainsi qu’à sa partenaire sexuelle (à notre connaissance, il n’y a pas encore d’études qui ont été menées sur les conséquences éventuelles chez le partenaire sexuel).
C’est ce qu’on appelle le mécanisme d’enroulement-coulissement, expliqué en vidéo d’animation ci-après :
La circoncision prive l’homme de ce mécanisme et explique l’inconfort que cela peut provoquer lors d’un rapport sexuel ou lors de la pratique de la masturbation.
En effet, en fonction de la quantité de peau retirée, certains hommes circoncis ressentent une gêne, notamment lors de la masturbation ; dans ce cas, l’utilisation de lubrifiant semble nécessaire afin de pallier le mécanisme d’enroulement-coulissement et le manque d’humidité, tous deux assurés naturellement par le prépuce chez l’homme intact.
… et également pour la femme
En 1999, une étude américaine [4] menée auprès de femmes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes circoncis et des hommes intacts a notamment montré que :
- Avec un partenaire sexuel circoncis, les femmes avaient moins de possibilités à parvenir à l’orgasme vaginal.
- Les femmes se plaignent plus souvent d’inconfort vaginal avec un partenaire sexuel circoncis.
- Plus de femmes affirment n’avoir jamais eu d’orgasme vaginal avec un partenaire sexuel circoncis qu’avec un partenaire sexuel intact.
- Plus de femmes affirment n’avoir jamais eu d’orgasmes multiples avec un partenaire sexuel circoncis.
- Plus souvent elles affirment que les sécrétions vaginales diminuent quand le coït progresse avec leur partenaire sexuel circoncis.
- Les femmes préfèrent les rapports sexuels vaginaux avec un partenaire sexuel intact plutôt qu’avec un partenaire sexuel circoncis.
L’étude conclut : « Il est clair que le pénis anatomiquement intact offre une expérience plus gratifiante pour la femme pendant le coït. »
Une étude de 2003 a montré que les femmes avaient considérablement plus de risque de souffrir de sécheresse vaginale durant les rapports sexuels avec un homme circoncis plutôt qu’avec un homme intact. [5]
En 2011, une étude danoise [6] ayant porté sur plus de 5000 personnes a rapporté que les partenaires sexuelles d’hommes circoncis ont :
- 2 fois plus de risque d’être sexuellement frustrées ;
- 2,5 fois plus de risque de fréquentes difficultés à atteindre l’orgasme ;
- 8 fois plus de risque de ressentir des douleurs pendant un rapport – ce que l’on nomme également dyspareunie.
Interview du docteur Frisch, qui a dirigé cette étude (voir page dédiée) :
En complément, lire l’article de Science Nordic
Les chercheurs ont expliqué que le mécanisme d’enroulement-coulissement assuré par le prépuce permettait de stimuler les parois vaginales durant le coït, aidant ainsi la partenaire sexuelle à parvenir à l’orgasme plus rapidement et plus souvent. Sans ce mécanisme, ils suggèrent qu’il peut être plus difficile pour elle d’arriver à l’orgasme durant le coït.
De plus, toujours du fait de l’absence de ce mécanisme, le coït avec un homme circoncis peut provoquer un inconfort chez la partenaire sexuelle à cause des frictions, abrasions et une perte des sécrétions naturelles. Fleiss et Hodges (2002) expliquent ainsi que l’absence de ce mécanisme a pour conséquence d’entraîner les lubrifications vaginales en dehors du vagin. [7]
Ce désagrément s’explique aussi par le fait qu’un homme circoncis a un gland kératinisé, donc sec et moins sensible. Le risque d’avoir des difficultés à atteindre l’orgasme et de devoir s’y prendre de façon plus vive pour y parvenir est plus élevé chez l’homme circoncis que chez l’homme intact, ce qui peut entraîner une expérience douloureuse pour la partenaire sexuelle ainsi qu’un risque accru de sécheresse vaginale.
Betty Dodson et Carlin Ross, animatrices du site dodsonandross.com, expliquent pourquoi elles préfèrent un partenaire sexuel intact :
Le prépuce : « l’unité sensorielle principale du pénis »
Dans cet entretien vidéo, l’anatomiste néo-zélandais Kenneth McGrath présente ses recherches sur le prépuce et explique certaines des conséquences de la circoncision (voir page dédiée) :
Hommes circoncis à l’âge adulte : comparaison avant/après
Les hommes circoncis durant l’enfance ont naturellement des difficultés à réaliser ce qu’ils ont perdu sur le plan sexuel. Les rares hommes circoncis à l’âge adulte sont les seuls à pouvoir comparer l’avant et l’après.
Comme nous l’avons vu précédemment, le prépuce joue un rôle important dans la sexualité de l’homme : on retrouve donc logiquement un grand nombre d’entre eux qui décrivent une vie sexuelle de moins bonne qualité après la circoncision.
La vue sans la couleur serait une bonne analogie … pouvoir voir uniquement en noir et blanc, plutôt qu’en couleur est la différence entre jouir sans et avec un prépuce. Sans le prépuce, il y a des sensations qu’on est incapable de ressentir. – Paul Tardiff, circoncis à 30 ans
Une des plus grosses erreurs de ma vie… Le plaisir sexuel a été réduit d’au moins 70 % à la fois en intensité et au niveau de l’éventail des sensations. – William E. Krueger, circoncis à 30 ans
Une étude auprès de juifs soviétiques, circoncis après leur arrivée en Israël, souligne que 54 % étaient satisfaits sexuellement avant la circoncision, mais que seuls 24 % l’étaient après la circoncision. [8]
En 2004, le docteur Denniston étudia 38 hommes qui avaient eu des rapports sexuels avant et après avoir été circoncis : 22 hommes (58 %) ressentaient une diminution du plaisir durant le rapport sexuel et auraient préféré ne pas avoir été circoncis. [9] Ce résultat est évocateur, même si une étude réalisée sur un plus grand échantillon d’hommes serait plus pertinent.
Une étude coréenne de 2007 ayant porté sur des hommes circoncis à l’âge adulte a montré une diminution du plaisir lors de la masturbation après la circoncision dans 48 % des cas (tandis que 8 % rapportaient une augmentation du plaisir) et une augmentation de la difficulté à se masturber dans 63 % des cas (tandis que 37 % disaient qu’elle était plus facile). Au final, environ 6 % des participants ont répondu que leur vie sexuelle s’était améliorée, tandis que 20 % rapportaient une vie sexuelle moins bonne après la circoncision. [10]
Solinis et Yiannaki (2007) rapportent que 35 % des hommes de leur étude ont décrit une vie sexuelle moins bonne après la circoncision (contre 16 % qui la jugent meilleure). [11]
Enfin, les hommes ayant restauré leur prépuce affirment généralement qu’ils ressentent plus de plaisir sexuel qu’avant, et c’est également le cas pour leurs partenaires sexuelles. [14]
Concernant les hommes qui n’indiquent pas de changement voire une vie sexuelle améliorée, cela peut être justifié par :
- Une pathologie du prépuce les empêchant de profiter de leur vie sexuelle ; il est donc logique que l’ablation de l’élément atteint ait profité à leur vie sexuelle.
- Une conséquence psychologique dénommée « déni de la perte » n’est pas à exclure : voir notre article sur les conséquences psychologiques de la circoncision.
Notes et références
1. Taylor JR, Lockwood AP, Taylor AJ. The prepuce: specialized mucosa of the penis and its loss to circumcision. Br J Urol 1996;77:291-295.
2. Sorrells ML, Snyder JL, Reiss MD, et al. Fine–touch pressure thresholds in the adult penis. BJU Int 2007;99:864–9.
3. Parkash S, Raghuram R, Venkatesan, et al. Sub-preputial wetness – Its nature. Ann Nat Med Sci (India) 1982;18(3):109–12.
4. O’Hara K, O’Hara J. The effect of male circumcision on the sexual enjoyment of the female partner. BJU Int 1999;83 Suppl 1, 79-84.
5. Bensley, G. and Boyle, G., « Effects of Male Circumcision on Female Arousal and Orgasm, » N Z Med J 116 (2003): 595-596.
6. Frisch M, Lindholm M, Grønbæk M. Male circumcision and sexual function in men and women: a survey-based, cross-sectional study in Denmark. Int J Epidemiol. 2011;40(5):1367–81.
7. Fleiss PM, Hodges FM. What your Doctor May Not Tell You About Circumcision. New York: Warner Books, 2002: pp. 27–28, 87.
8. Zoossmann-Diskin, A., Blustein, R. (1999). Challenges to Circumcision in Israel. In: Denniston, G.C., Hodges, F.M., Milos, M.F. (eds) Male and Female Circumcision. Springer, Boston, MA. https://doi.org/10.1007/978-0-585-39937-9_30
9. Denniston GC. Circumcision and sexual pleasure. In: Denniston GC, Hodges FM, Milos MF. (eds.) Flesh and Blood: Perspectives on the Problem of Circumcision in Contemporary Society. New York: Kluwer Academic/Plenum Publishers, 2004: pp.45–53. [voir également]
10. Kim D, Pang M. The effect of male circumcision on sexuality. BJU Int 2007;99(3):619–22.
11. Solinis I, Yiannaki A. Does circumcision improve couple’s sex life? J Mens Health Gend 2007;4(3):361.
12. Bronselaer GA, Schober JM, Meyer-Bahlburg HFL, et al. Male circumcision decreases penile sensitivity as measured in a large cohort. BJU Int 2013;111(5):820-7. DOI: 10.1111/j.1464-410X.2012.11761.x
13. Tim Hammond. Long Term Consequences of Neonatal Circumcision: A Preliminary Poll of Circumcised Males. In: Denniston GC, Milos MF. Sexual Mutilations: A Human Tragedy. Plenum Publishing, 1997: pp.125-129.
14. Hammond, T., Sardi, L.M., Jellison, W.A. et al. Foreskin restorers: insights into motivations, successes, challenges, and experiences with medical and mental health professionals – An abridged summary of key findings. Int J Impot Res (2023). https://doi.org/10.1038/s41443-023-00686-5